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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 00:03

 

 

 

Château-Perrier à Epernay

 

 

 

 

 

 

Balard entra comme un cyclone dans le bureau.

 

   Y a une fuite d’eau dans les sous-sols du Château Perrier ! Le musée prend l’eau ! C’est une catastrophe ! hurla-t-il.

 

   Toujours les grands mots, Balard ! fit Joffrin en levant les yeux au ciel

 

   Mais je vous assure…j’en viens ! Et même que les équipes de la société des eaux étaient déjà sur place pour limiter les dégâts, et les pompiers aussi ! Et quand je dis fuite d’eau, je n’exagère en rien ; ce sont de véritables geysers qui vomissent des litres et des litres d’eau !

 

   Ah ben voilà autre chose : l’Arlésienne prend l’eau ! Le vaisseau fantôme est en train de couler ! pouffa Amélie en levant la tête de son ordinateur.

 

Joffrin foudroya sa secrétaire d’un air mauvais, et tout en évaluant l’urgence de la situation, il ordonna :

 

   Prévenez le maire, Balard ! Vite ! Je me rends sur place tout de suite !

 

Le premier adjoint saisit sa veste et sortit précipitamment en claquant la porte à toute volée. Balard, la mine déconfite, lui emboîta le pas, se demandant comment présenter la chose au maire.

Céline se retourna, ironique, vers sa collègue de bureau.

 

   T’exagères, Amélie, avec tes réflexions ! Ça lui a pas plus à Joffrin ! Tu sais bien que le musée, c’est un sujet tabou ! Ils aiment pas être titillés là-dessus…

 

   Musée, musée…on n’en n’a pas de musée à Epernay ! T’as déjà vu une ville sans musée, toi ? Paraît qu’on a des richesses inestimables et on les garde cachées dans des caisses ! A chaque élection se repose la question du musée et ça fait au moins trente ans que ça dure… On en parle, on en parle mais on ne voit rien venir !

 

   C’est vrai qu’ils n’ont rien à se mettre sous la dent, les touristes, quand ils débarquent dans la capitale du champagne, mise à part les caves…

 

   Tu vas pas me dire qu’ils peuvent pas trouver un endroit où l’installer ce musée, en attendant de retaper le château ! Quand tu penses que toi et moi, comme de nombreux sparnaciens d’ailleurs, nous n’avons jamais eu l’occasion de découvrir les pièces qui relatent le passé de notre ville…le musée abriterait une rare collection d’archéologie..des objets qui dateraient du Paléolithique ! Tu te rends compte…et on nous prive de toutes ces richesses… incroyable, non ?

 

 

   Hum…bizarre, oui…la ville n’a paraît-il pas les moyens d’installer un musée, mais tu as raison, au lieu de bâtir des salles des fêtes grandioses, elle pourrait s’atteler à régler ce sacré problème et offrir un musée digne de ce nom à ses habitants…Tiens, tu me prêtes ta lime à ongles ? Ils sont pas prêts de revenir, j’ai le temps de me faire un petit raccord…Ce soir, ma mère garde les gosses ; on se fait un p’tit resto avec Arthur, histoire de fêter nos dix ans de mariage !

 

Je vous raconte là, ce que j’ai entendu alors que je passais dans ce bureau pour récupérer des photocopies pour le service communication.

J’étais une jeune stagiaire à l’époque. On avait l’habitude de me voir entrer et sortir ; j’étais discrète, me faisais toujours toute petite, convaincue que je dérangeais, excusant mes intrusions d’un sourire timide. Je ne cherchais pas à entrer dans les conversations intimes du bureau de Mr. Joffrin. Ma timidité maladive sans doute…

Aux coups d’œil appuyés des deux filles qui cherchaient mon approbation sur ce qui venait d’être dit, je me contentai d’acquiescer d’un hochement de tête. J’étais surtout bouleversée par ce qui était en train de se passer au Château Perrier. Je regroupai les feuilles de photocopies dans un dossier, après les avoir agrafées, et sortis, laissant ces dames occupées par leur séance de manucure.

 

 

 

(Vous voulez lire la suite ? Alors lisez, là, juste en dessous, l'article précédent )

 

 

La photo du "musée d'Epernay" a été empruntée et j'en remercie l'auteur.

 

 

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 23:52

 

 

 

...

La suite en fait, je la tiens d’un bon ami qui était sur les lieux, au moment où le maire est arrivé et qui ne l’a pas quitté tout au long de la “crise”. Cette personne fait partie de l’entourage rapproché de Monsieur le maire, aussi vous comprendrez pourquoi je ne divulgue pas son nom, ni sa fonction…c’est que je ne veux pas le mettre dans une situation délicate, vu la gravité des faits et le scandale qui aurait pu découler d’une simple fuite d’eau. Tout ce qui suit n’est que vérité : les faits se sont déroulés tels que je vous les confie.

 

Quand le maire est arrivé sur les lieux du sinistre, les journalistes de l’Union, déjà sur place, piétinant dans la cour du Château depuis un bon quart d’heure déjà, se ruèrent sur lui avec précipitation. Ils grimpèrent avec l’élu les marches du perron.

 

   Monsieur le maire, une déclaration ! Que comptez-vous faire pour mettre à l’abri les précieux trésors de notre musée ? Pensez-vous qu’il y ait des dommages considérables, vu l’importance du sinistre ?

 

Le maire pressa le pas, bien décidé à échapper aux questions incisives de ces journalistes toujours avides de se mettre quelque chose sous la dent et qui auraient tôt fait de transformer ses propos. Brefs et précis, tels devaient être les mots à employer pour rassurer avant tout. A tout prix, éviter les gros titres alarmistes de la une du lendemain. Avec ses journaleux, il fallait s’attendre à tout !

 

   Ecoutez, je ne ferai aucune déclaration pour le moment, n’ayant pas encore découvert l’ampleur des dégâts, si dégâts il y a ! Tout ce que je peux vous assurer pour le moment, c’est qu’il n’y a aucune crainte à avoir concernant les objets précieux qui sont conservés à l’abri dans des caisses étanches ! Pour le reste, nous déciderons des travaux de réfection en fonction des dégâts causés, si vous voulez bien me laisser aller constater ! Veuillez m’excuser, Messieurs, mais il y a urgence !

 

Il se fraya un passage, faisant signe qu’il n’en dirait pas plus et emprunta l’escalier en colimaçon qui descendait dans les sous-sols du Château Perrier.

En débouchant dans l’espèce de cave qui abritait les trésors de la ville, il chancela en découvrant la catastrophe, mais n’en laissa rien paraître.

Balard n’avait rien exagéré dans ses propos !

Les pompiers avaient réussi à arrêter les flots qui jaillissaient de plusieurs conduites d’eau éclatées, mais malheureusement n’avaient pu éviter à temps l’ampleur de l’inondation. L’eau montait jusqu’à presque un mètre de hauteur le long des murs.

Des caisses en bois étaient noyées sous la masse d’eau, d’autres encore, dans l’urgence, étaient en train d’être empilées les unes sur les autres, d’autres flottaient littéralement comme des coques de noix trop légères.

Le maire releva ses jambes de pantalon au-dessus du genou et avança dans l’eau aussi vite qu’il put. Le capitaine des pompiers lui serra la main.

 

   Ah, Monsieur le maire ! Je disais justement à vos adjoints que ce château a décidément besoin d’être rénové : plus aucune installation n’est aux normes ! Aujourd’hui c’est l’inondation due à des conduites d’eau hors d’usage, demain cela risque fort d’être l’incendie provoqué par un court-circuit inéluctable, vu l’installation vétuste de l’électricité ! Heureusement que cet établissement a été fermé au public ! Il va s’écrouler votre château !

 

Le maire se contenta de hocher la tête d’un air entendu et sourit poliment. Nerveusement, il chercha Joffrin du regard et l’aperçut en grande discussion avec Balard et le conservateur du musée.

 

   Je disais aussi à vos adjoints qu’il serait préférable de déménager toutes ces caisses afin de les mettre à l’abri des eaux. Je proposais nos services pour vous donner un coup de main. Des pièces inestimables risquent d’être endommagées, il faut faire vite !

 

Pour couper court aux propositions aimables du capitaine des pompiers, le maire s’empressa de répondre :

 

   oui, oui, bien sûr, c’est évident…Nous allons prendre rapidement des dispositions, vous pensez bien ! Merci de nous proposer votre aide, mais les services techniques de la ville mèneront fort bien l’opération.

 

Il se dirigea promptement vers le trio qui conversait à voix basse. Serrant la main du conservateur, il afficha un sourire de circonstance et souffla entre ses dents, discrètement :

 

   Pas un mot de trop, pas de fuite, sinon c’est le scandale assuré ! Nous devons rester maîtres de la situation en toutes circonstances ! Ne répondez pas aux questions ! Soyez évasifs et rassurants. Balard, débarrassez-nous des journalistes qui attendent à la sortie. Vous Joffrin, prenez congé des pompiers et des employés des eaux. Quant à vous, Boissière, inventez n’importe quoi, mais ne laissez personne toucher à ces caisses, dussiez-vous coucher à côté ! Vous en êtes le conservateur ! Je vais réunir le plus vite possible une cellule de crise. Joffrin, rassemblez le conseil municipal au complet pour 18 heures précises !

   Balard, cessez de faire cette mine catastrophique, bon sang ! Ras-   ssu-rant…vous devez avoir l’air rassurant ! Les pièces du musée n’ont pas été endommagées, tout va bien !

 

 

 

(Vous voulez continuer? Alors la suite, c'est juste en dessous... )

 

 

 

 

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 23:45

 

 

 

 

 ...

Sous les ors de la salle du conseil municipal, les mines étaient sombres et attentives aux déclarations du maire.

Sur un ton calme et posé, le maire résuma la situation et assura que selon ses constatations, heureusement, les pièces du musée n’avaient pas eu le temps d’être endommagées grâce à l’intervention rapide de ces pompiers décidément très efficaces, — que ferions-nous sans eux, n’est ce pas— et grâce à la conscience professionnelle du conservateur qui, en anticipant les risques d’éventuels sinistres toujours possibles, avait su préserver nos objets précieux hors d’atteinte des eaux, — hommage à Monsieur Boissière car sans lui…— que finalement, seuls les murs et les sols avaient besoin d’un sérieux coup de peinture, après en avoir définitivement chassé l’humidité.

 

Finalement, on était passés à côté du désastre, plus de peur que de mal ! Le maire dit que s’il les avaient réunis tous ici ce soir, c’était tout d’abord pour les rassurer, et qu’il comptait sur eux évidemment pour contrecarrer d’éventuelles rumeurs qui ne tarderaient pas à courir, — vous savez ce que c’est, dans les petites villes de province…on fait des montagnes de petits riens…les gens aiment bien le sensationnel…il y a toujours de bonnes âmes pour colporter n’importe quoi…à ce propos, nous aurons sans aucun doute affaire à nos détracteurs habituels qui remettront sur le tapis l’installation du musée, qu’ils jugeront obligatoire après un tel incident, mais vous savez comme moi, chers amis, que la ville n’en a toujours pas les moyens et que ceci ne sera pas à l’ordre du jour avant longtemps, —

Hochement de tête montrant l’adhésion de la part de l’opposition, réflexions sur les cancans que l’événement n’allait pas éviter de déclencher, évocation de quelques noms de sparnaciens têtus qui saisiraient à nouveau l’occasion d’enfourcher le fameux dada de l’installation d’un musée à Epernay…bref, les voix se firent plus légères, voire teintées de rires maintenant que tous savaient les pièces du musée saines et sauves.

Le conseil se termina, l’inquiétude du début s’était envolée. Les élus avaient retrouvé le sourire, soulagés par ces paroles rassurantes. Ils se quittèrent avec quelques claques amicales dans le dos, quelques plaisanteries qui résonnèrent dans le grand escalier de marbre de la mairie.

Le maire les regarda regagner l’Avenue de Champagne, et se frotta les mains, pensif.

 

   Bon, voilà une bonne chose de faite, ils sauront quoi répondre aux questions indécentes ! Je pense avoir été convaincant. L’important étant d’enterrer l’affaire au plus vite : moins on en parlera, mieux ce sera, n’est ce pas Joffrin ! Un expert mandaté par les musées nationaux serait une catastrophe ; il faut absolument que cet incident ne sorte pas des murs de la ville. Il serait bien aussi de montrer un peu de reconnaissance à Monsieur Boissière, de lui renouveler notre gratitude d’une manière ou d’une autre…

 

   Oh, Monsieur Boissière n’a plus de velléité de s’en aller, après les accords que nous avons passés avec lui ! Vous savez, ça ne doit pas être marrant tous les jours d’être enfermé dans une cave avec des caisses vides à gérer… on peut le comprendre…Je lui ai déjà promis une prime supplémentaire, et puis ça fait des années que ça dure, pas de raison qu’il craque demain, non, non, le secret restera bien gardé, je vous l’assure. L’important, je vous l’accorde, c’est que cet homme reste en place le plus longtemps possible, au moins le temps de votre mandat ! Mais ça fait plus de trente ans qu’il garde le poste, alors…D’ici une dizaine d’années, l’âge venu de sa retraite, le prochain maire avisera, mais je ne voudrais pas être à sa place !

 

   En se battant pour la mairie, c’est une véritable bombe qu’il aura entre les mains, le successeur, parce que c’est inévitable, un jour ou l’autre, le pot aux roses sera découvert…C’est impossible que ça continue comme ça encore longtemps !

 

Joffrin fusilla Balard du regard.

 

   Heureusement que les porcelaines bleues ont échappé au cambriolage, il y a plus de trente ans, et qu’il y a comme ça, quelques pièces miraculées que l’on peut prêter et qui tournent d’un musée à l’autre ; ça permet d’attester une certaine activité…Au fait, Venise a manifesté son intention de garder les porcelaines un peu plus longtemps que prévu. Je leur ai signifié, bien sûr, que c’était impossible ! Vous voyez, on s’en sort toujours bien, depuis tout ce temps ! Continua fièrement Balard sentant l’inquiétude grandissante du maire.

 

   Oui, jusqu’au jour où…Que ne me suis-je inquiété plus tôt de ce musée, le jour où j’ai pris ce mandat…quand on pense que ce cambriolage n’a jamais été signalé et que les maires successifs, devant le fait accompli, n’ont jamais rien osé annoncer de peur que cela leur retombe dessus, alors qu’on ne sait même pas de quand date exactement ce vol-là…La peur du scandale pendant un mandat, c’est incroyable ce que ça peut vous conduire à cacher de moche…Ah, parfois je me dis que la politique, c’est pas toujours bien reluisant…et cette épée de Damoclès, là, au-dessus de nos têtes…C’est énorme ce que l’on est obligés de cacher, c’est inimaginable…

 

Le maire n’avait jamais autant senti l’épée se balancer aussi fort au-dessus de sa tête qu’à cet instant-là. Il paraît que de grosses gouttes de sueur perlaient à son front.

 

   C’est tellement inimaginable que justement, ça n’effleurera jamais personne une seule seconde, une idée pareille !

 

 

 

(La suite ? Là, juste en dessous dans l'article qui suit ! )

 

 

 

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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 23:38

 

 

 

 

...

Joffrin adressa un clin d’œil satisfait à Balard qui devenait ingénieux dans ces réflexions pour rassurer le maire.

 

   Sûr que le prochain maire qui reprendra le bébé et qui aura les couilles d’annoncer un truc pareil, il n’est pas prêt d’exister, car qui prouvera que le cambriolage n’est pas arrivé sous son mandat ; il risque gros…alors il est très probable que tout ça dure encore longtemps ! dit Balard, se croyant toujours rassurant.

 

   Oui, à condition que l’on ne nous impose pas d’installer un musée un jour ! fit Joffrin en se grattant la tête.

 

   Monsieur le Maire, ce serait bien que vous rencontriez le journal local avant demain, interrompit le chef de cabinet, pour leur faire part de vos constatations et décisions après votre visite, histoire de calmer le jeu et d’éviter d’invraisemblables supputations…Le rendez-vous est pris pour vingt heures !

 

   Merci, bonne initiative ! Je les avais oubliés, ceux-là ! Allons-y ! Bonne soirée Messieurs, dormez bien malgré tout !

 

Monsieur le maire avait retrouvé toute son énergie. Il est vrai qu’il en avait encore besoin pour affronter les journalistes et être crédible et convaincant.

Malgré cela, le lendemain, comme il fallait s’en douter, le quotidien l’Union titrait en première page, en gros et en large :

 

« Panique au musée d’Epernay : les grandes eaux engloutissent le trésor ! »

 

 et en dessous, mais guère plus petit :

 

« A quand les pièces rares enfin à l’abri dans un musée digne de ce nom ? »

 

Inutile de vous dire que la polémique sur l’installation d’un musée à Epernay était relancée ! Tout ce que voulait éviter le maire et ses conseillers…

 

Je ne sais plus comment la mairie s’en est sortie, ni quels arguments ont été avancés, mais le temps faisant bien les choses et l’actualité primant sur le reste, les choses se sont tassées.

 

 Oh, il y a bien encore quelques bonnes âmes pour relancer, de temps à autre, le sujet, s’accrochant à l’idée qu’Epernay doit avoir son musée. Sûrement que le maire actuel doit faire une crise d’urticaire rien qu’à l’évocation du mot “musée”, mais il s’en tire toujours bien, enfin pour le moment…

 

 

Alors vous devez vous demander pourquoi je vous raconte tout ça, Maître, et si tout ça est bien réel ?

Tout ce que je raconte là, n’a rien à voir avec une simple anecdote ! Je sais, ça peut paraître gros, mais ce n’est que la réalité.

 

Il n’y a pas de musée et il n’y aura jamais de musée…et pour cause !

 

Pour vérifier que tout cela est vrai, il suffit de mandater un huissier et de faire ouvrir les caisses du soi-disant trésor, c’est simple !

Il sera facile de vérifier que le musée est vide et qu’il n’existe plus aucune pièce rare et précieuse…

 

Pour répondre à la première question, c’est difficile à expliquer…voyez-vous… mon mari m’a quittée, j’ai quatre enfants à élever, l’emprunt de ma maison sur le dos ; je me croyais à l’abri jusqu’à ce que j’apprenne que le poste que je visais depuis longtemps à la direction de la communication m’était passé sous le nez.

Je trouve cela fort injuste étant donné qu’on m’avait fait miroiter ce poste-là depuis de nombreuses années, et que j’ai toujours accompli mon travail à la mairie avec sérieux et compétence pendant de nombreuses années.

 

Je veux ce poste, Maître, et je l’aurai d’une façon ou d’une autre !

 

Aussi, sachant ce que je sais de source sûre, je suis sûre de pouvoir influencer Monsieur le maire afin d’obtenir ce que je veux !

 

Je ne suis pas une méchante personne, vous savez, bien loin de moi l’idée de faire du chantage et de vouloir du mal à Monsieur le maire, mais je pense que le simple fait d’évoquer les pièces inexistantes du musée, le simple fait de menacer de révéler pourquoi les sparnaciens n’ont plus jamais eu l’occasion d’admirer les collections et pourquoi ils n’arrivent pas à obtenir leur musée…oui, je pense que j’obtiendrai ce que je veux !

Je ne crois pas avoir besoin de votre intervention, mais je voulais néanmoins vous remettre ce dossier, au cas où les choses tourneraient mal !

Ce n’est pas une menace que je ferai là, entendez-le bien Maître, juste une référence à ce que je sais…

Ce que je demande est bien peu de chose, comparé à toute cette histoire, vous en conviendrez !

 

 

 

 

 

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2 juillet 2008 3 02 /07 /juillet /2008 03:36

Le Cubry, ruisseau qui traverse Epernay.



Il fait frisquet en cette fin d’après-midi. Nous sommes pourtant à la fin du mois d’Avril mais les pâles rayons du soleil qui s’étalent sur Epernay n’arrivent pas à réchauffer l’air, même en pleine journée. Dès l’aube naissante, les nappes de brouillard enveloppent les coteaux alentour. Le soleil tente de les chasser pour encourager le printemps à s’installer, mais le brouillard reprend sa place à la tombée du soir.

Ce sacré printemps qui tarde à arriver ne va pas encore arranger mes affaires cette année !

L’air trop frais et l’épais brouillard qui envahissent déjà la Place Carnot vont faire tomber la nuit plus vite encore, n’incitant pas les gens à se balader…Ils vont prendre leur voiture pour rentrer plus vite chez eux, et s’affaler, bien au chaud, devant leur sacro-sainte télé. Les rares piétons vont presser le pas, ne jetant même pas un bref regard en ma direction. Non, décidément, ce n’est pas encore aujourd’hui que l’on verra s’arrêter des jeunes filles aux épaules dénudées. Ce temps maussade ne donnera à personne l’envie de déambuler par ici…

 

Il est pourtant joli ce bout de Cubry à cet endroit-là. Une jolie balustrade orne son cours tout du long. La ville a même posé des jardinières de compositions florales pour le rendre encore plus attrayant ; les premières tulipes, jacinthes et narcisses penchent leurs têtes vers l’eau tourbillonnante. Charmant, surtout aux beaux jours ! C’est pourquoi j’ai élu domicile plutôt dans ce coin : j’ai une vue imprenable sur toute la Place Carnot, sur la rue Pasteur, un bout de la rue des Rocherets et de la rue de la Chaude-ruelle, la rue Léger-Bertin, le boulevard du Cubry (ah, ils l’ont quand même baptisé comme ça, ce boulevard !) bref, il y a du passage par ici !

Le Cubry, à ce carrefour, se prend pour un petit torrent et roule ses eaux en chantant continuellement, et la vieille maison délabrée, qui penche ses murs vétustes par-dessus, me sert d’abri quand les nuits sont trop blafardes. J’aime bien hanter ces vieux murs abandonnés… Malheureusement, la ville a décidé de rénover cette vieille bicoque de peur qu’elle ne finisse par s’écrouler. Elle en a exproprié son habitante qui a trouvé à se loger ailleurs, mais moi je reste là ! Cela va occasionner quelques désagréments pendant la durée des travaux, mais je continuerai à l’habiter dès qu’elle sera à nouveau disponible : avis aux nouveaux habitants, ils seront d’abord chez moi !

Elle est terrible cette époque ; on ne cesse de réhabiliter tout et n’importe quoi. On démolit, on reconstruit, on fait des trous, on comble les trous, on fait du neuf avec du vieux, on monte des tours, on bétonne. On enlève l’âme des choses ! Ça n’en finit jamais tous ces travaux grotesques ; il faut toujours qu’on transforme tout!

C’est comme ça qu’on a fini par faire disparaître le Cubry pour le recouvrir complètement de béton, tout ça pour laisser libre cours à la circulation de ces voitures puantes et bruyantes !

De mon temps, ce joli cours d’eau traversait la ville de part en part, à l’air libre, et on avait plaisir à s’y promener le long de ses berges… Il s’épanouissait là, au milieu de la Place Carnot, bordé d’arbres centenaires. On appelait ça “les promenades”. D’ailleurs, je vous signale en passant que je me suis noyée beaucoup plus haut, en amont : impossible aujourd’hui d’en hanter les lieux exacts puisque l’endroit est recouvert par un parking, au croisement de rues sans âmes, régies par des feux tricolores ! Là-bas, au bout du boulevard…vous voyez ?

 

Je vous parle, je vous parle, si bien que je n’ai pas vu arriver cette jeune personne qui a ralenti le pas et qui regarde dans notre direction. Elle semble ne pas avoir très chaud avec sa jupe trop courte (ils appellent ça “mini-jupe” au 21ème siècle ; ça ne recouvre rien du tout ! A mon époque, c’eût été de la plus grande indécence que de porter ce genre d’attifement qui laisse voir les jambes aussi nues…)

Regardez, elle s’arrête pour s’accouder à la balustrade ! Elle tire nerveusement sur les manches de son pull sans forme et se frotte les bras vigoureusement pour se réchauffer.

Vous distinguez ce regard hagard qu’elle plonge dans les flots ? On dirait qu’elle pleure… Oui, j’en suis sûre, elle pleure et lève les yeux au ciel comme dans une prière ; elle semble murmurer à l’oreille du vent.

Maintenant, elle se penche dangereusement par-dessus la balustrade…ah si seulement…si seulement elle voulait bien se précipiter dans les tourbillons (jadis, on appelait ça des fosses-tournisses !), elle me délivrerait enfin de mes tourments et prendrait ma place. J’en aurais enfin fini de hanter, l’âme en peine, les berges de ce maudit Cubry qui m’a pris ma vie à la fleur de l’âge. Je pourrais enfin songer à me reposer en trouvant une paix bien méritée. Je suis si lasse de hanter ces lieux depuis près de huit siècles.

Allez, petite, libère-moi de mon errance dans le pays désolé des esprits maudits ! Penche-toi un peu plus sur les flots…Penche-toi, le Cubry va te raconter l’histoire de la belle Alix…Penche-toi un tout petit peu plus…

Ah, si je suis encore là, c’est parce que trop de circonstances doivent être réunies pour me délivrer de mes tourments.

Tel est mon destin :une jeune fille de l’âge que j’avais à l’époque de ma noyade (c’est à dire vingt ans et pas un jour de plus…) doit se jeter dans le Cubry par désespoir d’amour, un jour du mois d’Avril. Elle doit habiter la ferme des Forges actuelle, qui se situe en lisière de Pierry, au sud-Ouest d’Epernay.

( dans le temps, j’habitais là, et la ferme actuelle s’appelait la Forte-Maison), elle doit se prénommer Alix (comme moi…) et être folle d’amour pour un jeune homme prénommé Thibault…La fin de leur belle histoire doit provoquer le drame. La jeune fille doit se précipiter dans les flots, et ce suicide doit la délivrer d’un désespoir trop lourd à porter, me libérant par la même occasion. Un peu de mon histoire à moi, quoi, bien que la légende l’a un peu transformée !

On a raconté tout et n’importe quoi sur ma noyade ! Certains ont fait courir la rumeur que c’est à cause de mon père, le seigneur de la Forte-Maison, si je me suis noyée dans les années 1240 et quelques…(pauvre homme…porter une telle accusation sur le dos et voir sa fille aspirée sous ses yeux par les fosses-tournisses sans rien pouvoir  faire pour la sauver…pas étonnant qu’il ait perdu la tête et se soit retiré dans la forêt d’Epernay pour y vivre en ermite le restant de ses jours !)

On a dit qu’il me poursuivait avec une hache pour me châtier d’avoir une liaison avec Thibault V, le comte de Champagne, mon grand amour, que c’est une sorcière qui nous aurait dénoncés (ça c’est vrai, une vieille chipie au nez crochu et aux petits yeux cruels !) et que mon père, pris de colère, aurait voulu me punir. Affolée par la peur du châtiment paternel, j’aurais, dans ma course effrénée, glissé sur les berges détrempées et que c’est ainsi que j’aurais disparu, engloutie par les flots. On a raconté n’importe quoi ! Et voilà comment se crée une légende… A partir de cancans vomis par des gens mal intentionnés ou simplement sots, les évènements sont déformés et ancrés ensuite dans les mémoires comme des faits réels ayant existé ! Quelle absurdité !

A vous, je puis bien dire la vérité puisque vous êtes le seul à pouvoir m’entendre, vous, le médium qui êtes sensé exorciser les lieux pour m’en chasser définitivement.

En fait, c’est l’abbé de Saint Martin qui détenait la vérité. En confession, je l’avais informé de mon intention de mettre fin à mes jours si Thibault venait à me laisser pour partir guerroyer. Certaine que je ne reverrais pas mon seul et unique amour vivant, et désespérée de cette absence insupportable, je me suis délibérément jetée dans le Cubry. Je me voyais dans l’impossibilité de vivre sans lui. Quand on a vingt ans, les choses prennent de telles proportions…C’est pourquoi l’abbé m’a refusé une sépulture chrétienne ; il savait pertinemment que je m’étais suicidée.

Mon père était en train de couper du bois (ce qui expliquerait la présence d’une hache dans ses mains…) quand la sorcière des Aulnoys a lâché son venin.

Cette vieille détestait notre bonheur à Thibault et moi, comme elle haïssait tout ce qui était beau et pur et qui ne l’avait jamais concerné ! Malade de jalousie, elle nous épiait sans cesse, jusqu’au jour où je l’ai agressée verbalement alors que, perchée dans un arbre, elle nous lançait des sorts en ricanant. C’était une mauvaise femme et je savais qu’un de ces quatre matins elle se vengerait. Mon père n’a pas pris cette dénonciation au sérieux ; il a juste compris que quelque chose avait bouleversé sa petite fille chérie… Il s’est alors précipité derrière moi, comme un fou, pour empêcher le geste irréfléchi et désespéré que je m’apprêtai à commettre. Malheureusement, mon père est arrivé trop tard et ne s’est jamais remis de ma disparition.

Et moi, j’erre depuis des siècles et des siècles comme une damnée, car la vieille m’a jeté un sort, juste avant de s’immoler par le feu. Quelle folie m’a prise, quand je lui ai lancé à la figure qu’elle ne nous séparerait jamais Thibault et moi, car notre amour était bien plus fort que tous ses sortilèges et que sa laideur alliée à sa méchanceté pourrissaient notre paysage…J’aurais mieux fait de me taire ce jour-là, car j’aurais rejoint Thibault depuis longtemps dans un autre de nos paradis…

Il avait bien raison, l’abbé : ils ne veulent pas de moi là-haut, après ce geste sacrilège…mais j’ai eu le temps d’expier ma faute, vous ne croyez pas ?

 

Ah, si seulement cette jeune personne pouvait me sauver en se noyant, là, maintenant…regardez comme elle a l’air désespéré…mais regardez donc, bon sang, au lieu de nous asperger, le Cubry et moi-même, d’eau bénite ! Je vous ai déjà dit que cela ne servait à rien ; il y en a eu des centaines d’exorciseurs qui sont venus tenter la même chose que vous et je suis toujours là ! Non, seule LA personne adéquate saura me délivrer, mais je n’y crois plus beaucoup… La dernière jeune fille à s’être noyée ici en Avril de l’an passé, s’appelait bien Alix, et elle s’est jetée dans l’eau, non pas par chagrin d’amour, (malheureusement pour moi !) mais parce qu’elle venait d’apprendre la disparition de ses  père et mère dans un accident de voiture. Rien à voir avec mon histoire à moi, et donc je suis encore et toujours là !

Aussi vous comprendrez aisément pourquoi je n’ai plus aucun espoir d’être délivrée un jour…Il y a tellement peu de chances que toutes ces circonstances soient réunies. Et pourtant, je sens que je ne passerai pas l’éternité ici. J’ai comme le pressentiment que là-haut, ils vont enfin me donner une chance de me rattraper, et que cela se pourrait bien que ce soit aujourd’hui !

Cette jeune fille-là, je pressens que c’est la bonne ! Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’intime conviction que c’est ELLE qui va me libérer de tous mes tourments ! C’est ELLE…il FAUT que ce soit elle…Il faut que cela se passe aujourd’hui car il ne reste plus que quelques jours avant la fin du mois d’Avril…sinon, c’est reparti pour un an !

 

Allez, jeune fille, mets vite fin à tous tes malheurs…je suis si pressée de partir enfin d’ici ! Allez, saute ! Tu verras, ce n’est qu’un moment difficile à passer…puis ensuite, on se sent si apaisée…saute ! Allez, saute ! Saute…

 

Le vent murmurait dans les branches, soufflait sa complainte comme une petite voix ensorcelante. Une forme blanche flottait au-dessus des eaux tourbillonnantes du cours d’eau : le brouillard venait de tomber nappant les arbres, les eaux et les heures.

Cela faisait un bon moment qu’elle était là, prostrée dans son malheur, avec l’envie tenace d’en finir pour toujours. Puisque l’amour était rompu entre eux deux, à quoi bon continuer de vivre ? La saveur des jours ne serait plus la même sans lui.

Le vent se faisait plus insistant encore. Elle semblait entendre dans son souffle comme une voix qui l’incitait à commettre l’irréparable. Il lui semblait entendre comme une petite voix qui chantait à son oreille : saute, allez, saute…

Elle se sentait attirée par les eaux du Cubry qui semblaient vouloir l’emporter avec elles dans des ténèbres inconnues…A travers ses larmes, elle fixait les profondeurs sombres. Elle était hypnotisée par les tourbillons qui se creusaient, se creusaient, se creusaient encore.

Si elle enjambait la balustrade et qu’elle sautait, là, maintenant, elle mettrait fin à ce désespoir qui étreignait son cœur à l’en faire crier. Ce serait un mauvais moment à passer, mais si court en comparaison de l’enfer qui l’attendait sans l’amour de sa vie.

En finir, c’était la seule solution !

Elle enjamba le parapet.

 

Le vrombissement d’une moto derrière elle,  la tira de ses pensées suicidaires et un cri déchira l’air :

 

  — Alix ! Alix, je t’en prie, arrête, ne fais pas ça ! Je t’aime ! Je t’aime, tu entends ?! Ce n’était qu’une dispute idiote ! Je ne pensais pas tout ce que je t’ai dit. Jamais je ne pourrais vivre sans toi : je t’aime trop pour ça ! Allez, viens, retournons à la Ferme des Forges, retournons chez nous ! 

    Oh Thibault, je croyais que tu ne m’aimais plus…j’avais si mal…J’ai cru en mourir…

 

Cette nuit-là, un violent orage éclata.

La tempête qui précéda arracha des branches d’arbres sur la place Carnot et jeta à terre les jardinières de fleurs que la ville d’Epernay avaient installées pour fêter l’arrivée du printemps. Le Cubry roula ses eaux mauvaises jusqu’au petit matin.

Plus que quelques jours avant le joli mois de Mai !

Le printemps allait bien finir par s’installer et chasser ces ombres blanches qui jouent parmi les flots du Cubry en folie !

 

 
Cette nouvelle m'a été inspirée par la légende d'Alix et de Thibaud V, comte de Champagne...

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25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 22:31




 

 Une à une, les lumières s’éteignirent. Des pas pressés glissaient vers le hall de sortie. Des exclamations fusèrent :

    Salut, bonne soirée !

    Oui, bonne soirée à vous tous !

    Hou lala, j’ai dix personnes à dîner ce soir !…encore plein de courses à faire…à demain les filles !

    Oui, n’oubliez pas : demain se termine la semaine de l’expo sculpture ! Il faut que tout le monde soit à l’heure ; il va y avoir du monde !

    Au fait, quelqu’un a vérifié que l’espace “Sculpteur” soit bien fermé et les lumières éteintes ?

    Oui, moi je l’ai fait ! J’ai même planqué son sac car il a téléphoné pour prévenir qu’il l’avait oublié !

    Le sculpteur a oublié son sac ? Quel artiste !…

    Et il a quoi dans ce sac ??

    Plus d’un tour, ça c’est sûr !!

    Bon allez, ciao tout le monde, je file !

 

Eclats de rires, bruits de clés qui s’entrechoquent, portes qui claquent, puis un immense silence qui s’installe…Seules quelques voix parviennent du dehors, lointaines.

La  médiathèque d'Epernay est livrée au silence de la nuit. Gardienne des mots, elle va veiller sur l’imposant patrimoine culturel.

Les milliers de livres, sagement rangés sur leurs étagères, vont comme chaque nuit mener grande vie !

Quelques rais de lumières filtrent par les larges baies vitrées qui bordent la rue Henri-IV, éclairant faiblement l’espace. Suffisamment, cependant, pour permettre de se promener entre les rayonnages sans être vu.

Elle n’ose pas encore sortir de sa cachette.

Les rares passants qui traînent encore dans la rue pourraient l’apercevoir…Il faut qu’elle patiente quelques minutes avant de pouvoir circuler librement, attendre que les gens rentrent chez eux, ce qui ne devrait plus tarder car le soir est glacial.

Elle trépigne, se trémousse dans l’étroit résidu, risque quelques rapides coups d’œil vers l’extérieur. Elle a hâte de se dégourdir les jambes ; elle a faim aussi et grignoterait bien quelque chose.

Cela fait quelque temps déjà qu’elle vit ses nuits ici ; en fait, depuis le jour où elle a décidé de s’y laisser enfermer volontairement. Personne ne s’est jamais aperçu de sa présence.

Pendant la journée non plus, car elle va et vient entre les rayons, se promène d’un livre à l’autre ; les adhérents de la Médiathèque vont et viennent aussi… il y a tellement de passage et les bibliothécaires sont si occupés qu’elle passe totalement inaperçue : personne ne prête jamais attention à elle. Il faut bien dire qu’elle fait tout pour rester discrète : elle ne voudrait pas déranger…

 Elle risque un oeil...

et alors? Et alors??...pour lire la suite, héhé, et bien c'est dans l'article du dessous :-)

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25 juin 2008 3 25 /06 /juin /2008 22:20



Ça y est, elle peut sortir de sa cachette : les livres avaient donné le signal de la fête ! Ils s’étaient tous envolés de leurs étagères et menaient une joyeuse sarabande ! Ils s’animaient, les livres la nuit, quand personne ne les voyait ; ils faisaient la java ! Ils se déplaçaient d’un coin à un autre, ils dansaient, échangeaient leurs mots.

Souvent trop vite surpris par le jour, tant ils s’amusaient, certains n’avaient pas le temps de regagner leur place.

C’est ainsi qu’au matin, les bibliothécaires  les retrouvaient souvent mélangés dans les rayonnages, voire étalés à même le sol…c’est qu’ils n’avaient pas eu le temps de regagner leur place attitrée !

Elle observe Balzac accoudé au comptoir en train de s’entretenir de manière véhémente avec Zola qui fait de grands gestes. George Sand tire sur son cigare et fait de l’œil à Colette. Marguerite Duras flirte avec Maupassant, là-bas sur la banquette. Le marquis de Sade tente de s’immiscer dans les pages d’Emilie Brontë, tandis que Verlaine rimaille avec Baudelaire. Un peu plus loin, Prévert clame ses bonnes paroles à un Pagnol qui tente de conter fleurette à une Virginia Woolf déprimée. Madame de La Fayette tient salon et discute littérature avec un certain Voltaire très candide. Dans le hall, Radiguet tire la couverture à lui et laisse Stendhal sans mots, pendant qu’Anaïs Nin défroisse ses pages cornées par un Crébillon un peu trop fougueux.

Elle va de l’un à l’autre, tentant de participer à l’ambiance détendue, mais est-ce dû à sa petitesse, à sa robe grise, personne ne semble s’apercevoir de sa présence ? Personne ne lui adresse la parole. Elle se sent de trop soudain.

Du coup, elle s’ennuie et soupire.

Finalement, les nuits ici sont toujours les mêmes…Elle en a fait le tour depuis qu’elle hante ces lieux.

Elle se sent lasse de tout ça.

Elle pense tout à coup qu’il est temps pour elle de changer d’horizon. Une autre bibliothèque, un autre cadre de vie lui serait plus agréable, sans aucun doute…

Désœuvrée, déçue, elle décide d’aller faire un tour au sous-sol.

Elle trottine d’allégresse : c’est ça, allons faire un tour du côté de l’expo du sculpteur ! Ses statues, au moins, ne se sentiront pas obligées de lui parler : elles sont inanimées, elles, pas comme ces sacrés livres !

Elle regarde sans conviction les yeux vides des statues, les corps plantureux qui s’alanguissent sur une table froide. Elle furète un peu partout pour tromper son ennui. Si, au moins, elle avait quelque chose à se mettre sous la dent : rien à grignoter ici, c’est pas comme là-haut ! C’était toujours ainsi, quand elle s’ennuyait, elle avait faim !

Elle a si sommeil tout à coup et si froid qu’elle s’endort…Elle est bien là, bien au chaud !

Vivement le matin pour que demain soit un autre jour !

 

    Allo, Brigitte ?? Je tenais à vous remercier de votre accueil et de m’avoir permis de faire connaissance avec le public sparnacien !

    Tout le plaisir était pour nous, à la médiathèque d’Epernay, d’accueillir un sculpteur de talent ! Comment se passe votre expo à Reims, bien j’espère ?

    Oui, très bien ! La médiathèque Cathédrale est également un lieu idéal pour exposer ses œuvres…Oh, pendant que j’y pense, - rire -, savez-vous la surprise que j’ai eue ce matin en ouvrant mon sac ?? Une souris grise m’a littéralement sauté au visage et s’est enfuie derrière les rayonnages ! Désolé, Brigitte, d’avoir emporter avec moi votre souris de bibliothèque ! A la Médiathèque Cathédrale, ils ont déjà un rat de bibliothèque…espérons que ces deux-là feront bon ménage !

 

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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 00:14


Chaque matin, quand il ouvrait les volets, son regard se portait là-bas, au fond de l’air.

Son regard balayait les vignes endormies qui s’étalaient plus bas, jusqu’au lit de la Marne.

Les feuilles du tilleul frissonnaient. Le vent coulait ses vents coulis.

Les premiers rayons de soleil illuminaient la ville d’Epernay, nichée dans les bras de la rivière, lovée dans le berceau que formaient les collines de leurs ventres ronds.

Les vignes, partout alentour, montaient à l’assaut de la moindre parcelle de terre.

Le clocher, qui lançait sa flèche dans les hauteurs du ciel, comptait les heures qui s’installaient au point du jour. Il détourna son regard et ferma la fenêtre. Il faisait tôt, il faisait frais, en ce matin de fin de printemps. Il avala son café chaud, debout derrière la baie vitrée, l’œil vague, laissant son esprit doucement s’éveiller.

Une longue journée de labeur s’ouvrait devant lui : il n’avait plus une minute à perdre à partir de ce moment ! Il se secoua. Il rinça sa tasse sous le robinet d’eau froide, puis dévala l’escalier, agrippa la poignée de sa sacoche qui traînait dans l’entrée et claqua la porte derrière lui. L’air frais qui le surprit, le réveilla tout à fait. A grandes enjambées pressées, il descendit la Rue des Rocherets, déboucha sur la Place Carnot bordée de grands arbres que baignait le Cubry.

Rue du Professeur Langevin, certains commerçants s’affairaient déjà. Ils avaient levé le rideau de leur petite boutique et s’appliquaient à faire briller la devanture, à balayer le trottoir, en attendant les premiers clients .Quelques balayeurs municipaux nettoyaient les abords de la Rue Saint-Thibault.

    Salut, Adrien ! Tu peux me mettre le dernier « Modiano » de côté, pour ma mère, c’est bientôt son anniversaire ! Lui cria Gérard depuis le seuil de sa boucherie.

    Pas de problème, Gérard ! Je te prépare même un paquet-cadeau ! Répondit-il en lui adressant un signe amical.

« Il », s’appelait Adrien. Là, dans la petite rue piétonne, il n’était plus anonyme. Il était Adrien, le libraire du quartier.

Adrien salua d’autres gens sur son passage, échangea des phrases courtes et pressées, tout en continuant à marcher d’un bon pas. Il apercevait déjà l’enseigne de sa boutique, coincée entre une briocherie et une cordonnerie.

Adrien aimait sa librairie qui était toute sa vie et rien que sa vie ! Il ne vivait que pour sa boutique et les livres qui l’entouraient. Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour d’autres centres d’intérêt, si bien qu’il était toujours célibataire, à quarante ans passés.

 Pourtant, il était plutôt bel homme et les présences féminines ne manquaient pas autour de lui.

 La petite brune d’en face, qui tenait la boutique de prêt à porter « Mode », affichait pourtant une attirance évidente pour lui, lui décochant des sourires aguicheurs, l’invitant à boire des cafés…pour le sortir de ce qu’elle croyait être la solitude.

Pourtant Adrien ne se sentait jamais seul. La présence des milliers de livres qui l’entouraient presque jour et nuit lui suffisait amplement. Il était nourri de mots et vivre dans ces mondes imaginaires le comblait !

S’investir dans une relation amoureuse, l’aurait privé de temps, le temps qu’il consacrait aux livres.

Adrien arriva devant sa librairie. Il était fier de cette petite boutique à laquelle il avait conservé tout son côté rétro. Il avait résisté à la mode des rénovations froides et impersonnelles des librairies modernes, où le côté pratique et la rentabilité primaient avant tout. La librairie d’Adrien avait une âme. Il y fleurait bon le vieux papier et la cire d’abeille qui faisait briller le parquet et les meubles anciens. Les livres y trouvaient refuge sur d’ancestrales étagères de bois qui escaladaient les murs jusqu’au plafond. Ils s’entassaient, dans un joyeux désordre, sur de vieux comptoirs de métier, d’anciennes tables au charme désuet, disposés ça et là. Un joyeux désordre, mais un désordre savamment étudié par le propriétaire des lieux qui savait toujours retrouver le livre convoité. Il régnait dans la petite librairie, une atmosphère paisible, proche du recueillement …

Les amoureux de livres aimaient à flâner entre les rayons, se perdre dans les recoins, butiner d’un livre à l’autre, jusqu’à découvrir le coup de cœur qu’ils emportaient jalousement pour mieux le dévorer des yeux, le soir au coin du feu.

Ils appréciaient les conseils d’Adrien qui leur faisait partager ses passions.

Ils aimaient échanger leurs impressions avec le libraire, en qui ils vouaient une confiance immense, car Adrien était un vrai libraire, de ceux qui se font de plus en plus rares de nos jours…Il faisait partie de ceux qui ne remplaceraient jamais la mémoire de l’écrit par ces espèces de machines informatiques qui font le travail à leur place

Non, non, Adrien ne considérerait jamais le livre comme un produit ordinaire !

 Il lui était inconcevable de traiter les livres comme on les maltraitait dans certaines grandes surfaces, où relégués entre un baril de lessive et le papier toilette, on les vendait comme l’on vendait une vulgaire boîte de petits pois !

Non, Adrien avait trop de respect pour les mots, ceux qui embellissaient sa vie au quotidien ! Les livres avaient tous une âme, et il les faisait vivre avec amour et passion.

Comme chaque matin, avant de lever le rideau de fer, Adrien s’arrêta devant la vitrine  pour y jeter un rapide coup d’œil. Il vérifiait  l’impeccable disposition des livres alignés sur les présentoirs. Il ne s’agissait pas de présenter une vitrine peu soignée.

    La vitrine d’un magasin est le miroir de ce qui se trouve à l’intérieur ! Répétait-il inlassablement à ses deux vendeuses.

Il traquait donc le livre corné, le livre tombé, le présentoir laissé vide, l’araignée qui aurait tissé sa toile au milieu des mots, la tablette poussiéreuse…

Il soupira. Il allait falloir remettre un peu d’ordre car plusieurs livres étaient tombés de leurs présentoirs.

Adrien se mit à sourire…Les livres avaient encore fait la java cette nuit !

Il aimait à imaginer que la nuit, les livres se mettaient à vivre, en cachette, quand la librairie avait fermé ses portes ; qu’ils dansaient, se déplaçaient d’un coin à un autre, changeaient de place, échangeaient des mots…bref, les livres s’animaient la nuit quand personne ne les voyait !

En observant la vitrine d’un air malicieux, Adrien nota que d’Ormesson enlaçait encore la belle Irène Frain, Bernard-Henri Lévy tirait la couverture à lui, laissant Le Clézio sans mots. Sollers enjambait Marguerite Duras, Yves Berger s’étalait de tout son long sur l’Amérique de Michener, Amélie Nothomb vomissait l’araignée qui avait tenté de s’immiscer dans ses pages, Troyat et Nourissier présentaient leurs pages cornées, Labro, Coelho, Kundera, Kadaré s’entassaient les uns sur les autres, le livre de cuisine de Ginette Mathiot marchait sur les plates-bandes de Michel Lis le jardinier…

Quel méli-mélo dans la petite vitrine ! Les livres inertes s’étaient animés cette nuit, plus que jamais ! Surpris par le jour, ils n’avaient pas eu le loisir de regagner leur place attitrée. C’est ce que pensait Adrien, amusé.

Adrien s’empêcha de divaguer plus longtemps dans son monde imaginaire. C’est qu’il s’en racontait des histoires, Adrien. Il aurait rêvé les écrire, toutes les histoires qu’il inventait.

Mais il n’avait pas le temps, ce temps qui lui filait trop vite entre les doigts, ce temps qu’il aurait tant aimé arrêter pour un temps…

Ecrire… Ecrire était un don, un art, comme la peinture ou la musique.

On le recevait à la naissance, déposé par quelque bonne fée. On ne pouvait se décréter écrivain du jour au lendemain.

Cela, Adrien l’avait compris très vite, rien qu’en lisant à mi-voix les œuvres de ses auteurs fétiches ! Adrien était désespéré de découvrir tant de perfection au fil des pages.

Il restait persuadé que jamais il ne parviendrait à égaler ces grands écrivains dans l’art de faire chanter les mots.

Et pourtant, il avait tant de choses à raconter, tant d’histoires à faire partager, histoires qui attendaient, là, dans un coin de sa tête.

Ecrire était chez Adrien plus qu’une simple envie, c’était un besoin, devenu vital au fil des années qui passaient. Un besoin inassouvi qu’il mettait sur le compte du manque de temps, et qui le laissait frustré…

Alors, il se contentait de prendre des notes sur le petit carnet qui ne le quittait jamais, pour le jour où il se lancerait dans l’entreprise d’un roman !

Le jour où il ne serait plus libraire, le jour où il aurait suffisamment de temps devant lui pour se consacrer à son œuvre, le jour où, suffisamment nourri des mots des autres, il aurait acquis l’art de manier le verbe, le jour où …il serait vieux et à la retraite !

Le jour où il serait capable, enfin, de remplir une page entière avec talent.

Ce qui le désespérait, Adrien, c’est que les rares fois où il s’était trouvé devant la page blanche, il avait été incapable d’écrire, de trouver le mot juste, le mot beau.

Il n’avait pas su laisser couler les mots ; ses mots sonnaient faux !

Mû par le besoin irrésistible de coucher des mots sur le papier, il avait été atteint du fameux malaise de la page blanche, et quand après des heures, il avait enfin réussi à remplir une feuille entière, il s’était relu et avait trouvé ça très mauvais. La feuille de papier avait terminé dans la corbeille, déchirée en mille morceaux.

Depuis, il était terriblement frustré et malheureux.

Adrien entra dans la petite librairie. Il était à peine huit heures du matin. Le magasin ouvrait ses portes à la clientèle, à neuf heures précises, mais Adrien aimait arriver une heure plus tôt.

Cela lui laissait du temps pour préparer sa journée et passer quelques commandes, déballer quelques cartons de nouveautés qui prendraient aussitôt place sur quelques coins de tables.

Dès l’arrivée de ses clients, Adrien pouvait ainsi se consacrer entièrement à eux, aidé de ses deux vendeuses.

La journée filerait à une allure folle…Réception de colis de livres, déballage,     commandes, classement des livres nouvellement arrivés, accueil des clients et des représentants des maisons d’édition, Adrien, une fois de plus, ne verrait pas la journée passer, ni l’heure de fermeture arriver !

A dix-neuf heures, il fermerait les portes de la librairie. Il resterait une heure ou deux après la fermeture pour terminer quelque travail urgent laissé en plan.

Après avoir raccompagné ses derniers clients et fermé les portes derrière eux, Adrien déposa une pile de livres sur sa table de travail. Il s’appliqua à remplir les fiches de stock de chacun, de sa plus belle écriture. Il ouvrait chaque livre, en lisait quelques lignes pour en connaître le contenu. Parfois, il se laissait emporter par le charme des mots et s’attardait plus que de raison, entraîné par la magie qui s’opérait. Il lisait, lisait, comme ensorcelé…

    Ha, comme je voudrais savoir écrire comme ces merveilleux écrivains Comme je   voudrais connaître cette fabuleuse folie qui vous jette corps et âme  dans cette  rivière         des mots à jamais intarissable…Mais comment font-ils, ceux-là, pour écrire ces mots superbes, pour laisser libre cours à l’inspiration ? Cela paraît si simple d’écrire ! Les Giono, Balzac, Chateaubriand, Maupassant, Zola, Hugo…si vous m’entendez de là-haut, dites-moi comment faire !

Quel était votre secret pour arriver à une telle maîtrise du mot ? Le mot simple qui    renfermait toute la subtilité des choses, le mot qui coulait juste et beau pour former un tout, un tout avec tous les autres mots qui s’associaient pour créer, à l’unisson, une œuvre parfaite…

Mon Dieu, vous aussi, si vous m’entendez, vous tous réunis, aidez-moi ! Donnez-moi la clé pour ouvrir la porte du monde des mots. Faites-moi un signe de là-haut, ou je mourrai de ne point écrire !  Oui, j’en mourrai, c’est sûr ! Gémit-il en se prenant la tête entre les mains, dans une ultime supplique. Adrien se surprit à parler à haute voix. Il replongea dans les pages du livre qu’il était en train de découvrir. Il était comme hypnotisé par le pouvoir des mots. Il ne voyait même pas le temps qui filait, il ne ressentait pas la fatigue qui le gagnait peu à peu.

Pourtant le sommeil commençait à s’emparer de lui, ses paupières devenaient lourdes.

Il  ne s’aperçut même pas qu’il s’était affaissé sur sa table de travail, les bras repliés                        autour du livre qu’il était en train de lire, la tête lourdement posée sur les pages ouvertes…Le rêve qui le prit, l’emporta au pays des mots. Un pays où les mots s’envolaient hors des livres. Des livres qui n’étaient autres que les maisons du pays des mots. Les habitants de ce pays logeaient donc dans des livres, dont ils produisaient les mots. Ils inventaient des mots aussi naturellement que s’ils respiraient. Nouvel arrivant dans ce pays étrange, Adrien passa tout de suite pour un original. Il était incapable de produire des mots. Soudain, comme sortie d’un épais brouillard, il perçut du lointain une voix qui l’appelait.

    Adrien ?… Adrien ?…ADRIEN ! Fit une voix féminine.

La voix était douce, mais elle commençait à se faire insistante.

Adrien ne répondit pas. La voix appela de nouveau Adrien. La voix se fit plus   proche, plus claire, plus présente.

Adrien tressaillit. Il sentit comme une présence auprès de lui. Un doux parfum de          muguet chatouilla ses narines. Il sentit une main qui secouait doucement son épaule. Il tenta d’ouvrir les paupières, mais elles étaient bien trop lourdes. Il était en plein rêve et n’avait nulle envie d’en sortir. La main secoua plus fort son épaule.

    ADRIEN, vous m’entendez ? Réveillez-vous ! S’impatienta la voix.

Adrien souleva péniblement une paupière. Il aperçut une jeune femme penchée sur   lui. Elle était jeune et très belle, toute vêtue de noir de la tête aux pieds. Sa robe longue en soie changeante découvrait de fines épaules. Sa chevelure sombre était tirée en un chignon strict. Son regard gris transperça Adrien. Elle sourit.

    Enfin, vous voilà réveillé, Adrien ! Vous avez le sommeil lourd !

    Heu…quelle heure est-il ? Que faites-vous là ? Réussit à articuler Adrien, d’une   voix pâteuse.

    Il est un peu plus de minuit et je remettais un peu d’ordre ici ! Dites-moi, il s’en   passe ici de drôles de choses quand vous dormez ! Saviez-vous que les livres menaient une joyeuse sarabande ?! » Fit-elle en riant.

    Oui, oui…je m’en doute, mais que faites-vous dans ma librairie à cette heure  tardive ? La boutique est fermée depuis belle lurette ! Vous seriez-vous laissée enfermée par inadvertance ? Je vais vous reconduire ! 

    Non, Adrien ! Je suis là parce que vous m’avez appelée ! 

    Moi, je vous ai appelée ? Mais je n’ai appelé personne, je travaillais tranquillement quand je me suis endormi. D’ailleurs, il se fait très tard, il faut que je rentre chez moi. Tout d’abord, qui êtes-vous ?!

    Emily Brontë ! 


Pour connaître la suite...lisez l'article juste en-dessous !  A tout de suite!! :-)

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29 mai 2008 4 29 /05 /mai /2008 15:56

 



 

 

    Emily Brontë ? Mais bien sûr, et moi je suis Victor Hugo ! Je n’ai pas vraiment envie de plaisanter à cette heure-ci, voyez-vous…Je suis fatigué et je rentrerais volontiers me coucher ! 

    Je suis Emily Brontë ! C’est bien moi qui ai écrit : « Les Hauts de Hurlevent » !

Vous êtes libraire, vous connaissez ?! A moins que je ne sois tombée dans l’oubli le plus total…Cela fait plus d’un siècle que j’ai disparu de la circulation !

Si je me souviens bien, j’ai été emportée par la tuberculose dans les années 1840… 

    Et vous croyez que j’ai vais croire à une histoire pareille ? Le livre là-bas, sur cette étagère, est en train de voir la réincarnation de son auteur ??!! Son auteur en chair et en os ?! Bon, vous êtes très amusante, j’adore l’humour d’habitude, mais là, vraiment vous ne me faites pas rire du tout ! Allez, je vous raccompagne ! 

 

Tout en minaudant, la jeune femme se dirigea vers l’étagère en question. Inclinant la  tête, elle se mit à chercher l’ouvrage dont elle était l’auteur.

Adrien l’observa. Il remarqua qu‘elle était vraiment belle mais qu’elle était étrangement fagotée. Elle semblait porter une robe de l’époque victorienne ! Pas vraiment la mode par ici !

    Ça alors !…je n’en reviens pas !…Quelle drôle de présentation pour un livre !…Ce format, si petit… S’exclama-t-elle.

    C’est un livre de poche ! Maugréa Adrien.

    Alors comme ça, on me lit encore ? Que c’est étrange de tenir entre les mains ma propre création, après des siècles !

 

« Une folle ! J’ai en face de moi une folle qui se prend pour Emily Brontë…et il est bientôt une heure du matin ! » Pensa Adrien qui se demandait comment il allait bien pouvoir  se débarrasser de cette fille bizarre qui était arrivée là il ne savait comment.

 

    Folle ? Vous me pensez vraiment folle ? Vous ne croyez pas du tout que je suis vraiment Emily Brontë ?! C’est bien ça, n’est ce pas ? Et bien, vous vous trompez !  Fit la jeune femme en se retournant brusquement.

Adrien resta bouche bée :

    Vous lisez dans mes pensées maintenant ?! 

 

Adrien était surpris. Il était certain de ne pas avoir parlé tout haut ! Il s’était fait cette réflexion dans sa tête et elle…elle…

La jeune femme s’approcha doucement de lui, souriante, et plongea son regard dans le sien.

    Bien sûr que je lis dans vos pensées ! Même de « Là-haut », je sais ce que vous ressentez, ce que vous pensez, ce que vous souhaitez. Je connais tout de vous. Je connais les histoires que vous inventez et que vous laissez stériles dans un coin de votre tête par peur de vous exprimer, par peur de ne point être à la hauteur de nous autres les « grands écrivains » comme vous dites. Vous savez, j’ai ressenti les mêmes frustrations que vous, dans mon ancienne vie d’écrivain. J’ai souffert aussi, comme vous des affres de la page blanche, jusqu’au jour où j’ai osé me lancer ! Oh bien sûr, je n’ai pas été très prolifique…Un roman, un seul, et quelques poèmes…mais au moins moi, j’ai osé sauter le pas !

J’ai été…comment dire…comme « guidée » par quelque chose qui me         dépassait…une main étrangère semblait guider la mienne. Un esprit autre que le mien semblait s’être emparé de la situation à ma place. Les mots coulaient à flots sur le papier. Je n’avais nul besoin de les chercher ces mots : ils exprimaient exactement ce que je voulais transmettre, sans plus aucune difficulté !      

Je vous ai entendu, tout à l’heure, Adrien, nous supplier de vous aider…

Nous vous avons tous entendu ! Giono, Zola, Balzac et tous les autres.

 

Adrien était abasourdi par ce qu’il était en train d’entendre. Ses yeux étaient écarquillés de stupeur. Il n’osait comprendre. Il allait ouvrir la bouche pour poser une question quand d’un signe la jeune femme l’arrêta :

 

    Non, Adrien, ne dites rien ! Ecoutez-moi jusqu’au bout !

Nous, les écrivains qui ne sommes désormais plus de ce monde, restons sensibles aux désirs  de ceux qui ont tant à dire et qui ne savent pas le faire ou n’osent pas.

Nous avons la mission de perpétuer l’écriture, car nous sommes convaincus que ce moyen d’expression entre les hommes ne doit jamais disparaître, que le plaisir de la lecture doit rester présent envers et contre tout !

Nous devons donc nous trouver des remplaçants pour que l’écriture survive. Nous recherchons de nouveaux écrivains, nous les aidons, nous les  guidons afin qu’ils accomplissent leur œuvre.

Vous êtes, Adrien, aux dires de tous les écrivains qui vous observent de Là-haut, depuis un certain temps, le candidat idéal pour cette mission !

Vous avez toutes les capacités requises pour faire un bon écrivain.

Vous portez ça en vous, vous ne rêver que de cela : écrire ! Nous savons que vous souffrez de ne point pouvoir assouvir ce désir, aussi avons-nous décidé de vous mettre le pied à l’étrier ! Nous allons vous aider, Adrien !

Chacun de nous, les anciens écrivains, chacun notre tour,  nous vous donnerons les chances de vous exprimer, nous vous soufflerons les mots Par la suite, vous vous sentirez plus à l’aise avec le style de l’un ou de l’autre, alors ce sera à vous de choisir l’écrivain qui colle le mieux à vous, et vous continuerez à travailler avec lui et seulement avec lui. J’ai déjà ma petite idée sur la question : je pense que vous vous entendrez bien avec Balzac ! Vous avez la même façon de « monter » vos histoires. Il vous apportera ses mots très volontiers et les critiques littéraires, en vous lisant, seront ravis de pouvoir décréter : «Ce jeune écrivain au style balzacien… » et ils ne se tromperont qu’à moitié ! Balzac, ou un autre, sera heureux de continuer à écrire par l’intermédiaire de votre main à vous ! 

 

Adrien était resté bouche bée sans pouvoir émettre une seule parole. Alors c’était donc vrai, tout ça…Les écrivains qui disaient être guidés par une autre force que la leur…Les écrivains qui confiaient qu’en se relisant, ils avaient l’impression de ne jamais avoir écrit ces mots-là, eux-mêmes…

Alors, serait-ce vraiment Emily Brontë, là devant lui, dépêchée en mission spéciale par ses confrères, pour faire de lui un futur écrivain ? Adrien se pinça pour être sûr qu’il ne rêvait pas. Non, il était bien éveillé : c’était bien Emily Brontë et puis toutes les paroles qu’il avait dites et qu’elle lui avait rapportées…et le fait qu’elle lisait dans ses pensées…

 

    Oui, oui, Adrien, je suis encore en train de lire dans vos pensées et je réponds à vos questions : oui, certains écrivains commencent par écrire, et très vite, ils sont guidés par la main d’un autre…Ce qui fait que souvent, lorsqu’ils se relisent par la suite, ils ne reconnaissent pas ce qu’ils ont écrit et ne savent pas l’expliquer.

Bref, Adrien, nous sommes très heureux, là-haut, d’avoir trouvé un nouveau candidat,    un candidat passionné par les mots qui rêve d’écrire du beau, pour assouvir sa passion et non pour faire de l’argent ! Des candidats, nous en avons tous les jours, mais ceux-là ne veulent écrire que pour devenir riches et célèbres,  aussi ne nous intéressent-ils pas du tout. Nous, nous aspirons à partager notre passion d’écrire avec quelqu’un comme vous. C’est une façon pour nous de continuer à écrire et de revivre les émotions que nous avons connues par le passé, ici-bas. Une façon aussi d’occuper notre temps agréablement, car, vous savez Adrien, le temps dure une éternité là-haut ! Ne vous inquiétez de rien : demain, vous ne vous rappellerez rien de notre entretien de cette nuit. Quand vous vous mettrez devant votre feuille blanche, les mots courront facilement sur le papier. Vous ne souffrirez pas de ce méchant malaise que l’on appelle le malaise de la page blanche. Vous allez devenir intarissable, Adrien, et vous noircirez des milliers de pages sans plus pouvoir vous arrêter ! Nous vous tiendrons la main de là-haut ! Comptez sur nous tous réunis ! 

 

Adrien cligna des yeux. Un rai de lumière tentait de s’immiscer au travers de ses paupières lourdes.

Des coups sourds et répétés attirèrent son attention. Il se frotta les yeux. Il se sentait très fatigué. Les coups redoublèrent. Il se redressa sur sa chaise et fut aveuglé par la lumière forte d’une lampe-torche braquée sur lui. On frappait à grands coups répétés sur la vitrine.

    Tout va bien, Monsieur Adrien ? 

Les vigiles de nuit, qui faisaient leur ronde, s’inquiétaient de voir, à cette heure avancée de la nuit, encore de la lumière dans la petite librairie.

    Oui, tout va bien, Messieurs ! J’étais en train de travailler et je me suis endormi, mais je rentre chez moi dans cinq minutes, merci !

    Alors, bonne nuit, Monsieur Adrien ! 

Adrien rangea en vitesse les papiers qui traînaient sur son bureau. Il n’avait pas beaucoup avancé dans son travail, ce soir. Il était bien trop fatigué ces temps-ci.

Il lui fallait absolument songer à prendre quelques jours de congé, quelques jours bien mérités, où il pourrait, à loisir, lire et inventer des histoires. Tenter d’écrire peut-être…oui, c’est ça, il allait trouver le temps, pendant ces quelques jours de vacances, pour s’essayer sérieusement à l’écriture !

Qui sait ? Libéré du stress quotidien, peut-être réussirait-il enfin cette fois-ci à aligner quelques mots...

 

 

 

 

 

 

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25 mai 2008 7 25 /05 /mai /2008 04:32

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Non, vraiment pas. Un coup de poker, ni plus ni moins. Je n’ai pas réfléchi. Il fallait coûte que coûte que je traverse la Marne. Par le pont ou par le bac, peu importait, il fallait que je traverse pour rentrer chez moi le plus vite possible. Je n’ai pas essayé de ménager la chèvre, le chou, pour qu’ils ne se fassent pas dévorer par le loup. Moi aussi j’avais une rivière à traverser. Personne n’était là pour résoudre mon énigme. J’étais la chèvre ou le chou et je me suis fait dévorer…ou plutôt étrangler par un fou ! Rien n’indiquait qu’il pouvait être dangereux à ce point-là. Bien sûr, en y repensant, il semblait très agité, et courait en tous sens et criait à tue-tête après quelque chose qu’il avait perdu. Je n’ai même pas eu le temps de réaliser ce qui m’arrivait. C’est quand j’ai vu que j’étais étalée là, sans vie sur le pont de Marne, que j’ai compris que j’étais morte étranglée par ce cinglé. Je lui hurlais d’arrêter de s’acharner sur mon cou, que j’étais morte et bien morte…mais il ne semblait pas m’entendre ! J’avais beau m’agiter, essayer de lui faire lâcher prise, rien n’y fit. J’étais bien obligée de me rendre à l’évidence : j’étais devenue invisible. Je n’existais plus pour personne. On ne m’entendait même pas hurler. Effrayant, non ? Je me suis soudain dit que j’allais me réveiller de cet horrible cauchemar, que comme dans tous les cauchemars, lorsque l’on crie, le cri vous reste toujours dans la gorge, mais que ça ne dure jamais car on se réveille…Abominable, cette impression de terreur qui vous habite, alors que vous criez pour appeler au secours et que pas un son ne sort de votre gorge ! J’avais perdu ma voix ! Oui, j’allais sûrement me réveiller de ce mauvais cauchemar…enfin c’est ce que je pensais avant de comprendre très vite que cette étrange situation était bien réelle.

J’étais spectatrice d’un fait divers dont j’étais la victime, sans pouvoir rien y changer. J’étais spectatrice de ma propre mort.

 J’étais morte en ce beau jour naissant de Mars 1965.

Je voyais mon enveloppe charnelle étalée là, comme s’il ne s’agissait que du corps de quelqu’un d’autre. J’étais moi et en même temps ce n’était plus moi. Pourtant c’était encore moi ; j’étais encore vivante puisque j’étais capable de penser et de ressentir des émotions.

Pendant ce temps, la Marne, nonchalante, faisait tanguer doucement des barques de pêcheurs abandonnées sous les saules. Des cygnes majestueux glissaient sur l’eau verdâtre suivant de loin en loin une péniche au long cours. Sur le ciel que le jour grignotait à la nuit, s’élevait, imposante, la Tour de Castellane qui surplombait le paysage de toute sa hauteur.

Le boulanger du coin dont la vitrine donne sur le pont, le cafetier, le livreur de journaux qui passait à vélo, et quelques autres lève-tôt ont accouru pour essayer de me sauver mais il était déjà trop tard. Je leur ai dit qu’il était trop tard, mais ils ne m’ont pas écoutée. Comme ils n’ont pas écouté non plus quand je leur ai demandé que j’aurais bien aimé qu’ils descendent le long de mes jambes les pans de ma jupe pour cacher mes genoux. C’est vrai, c’est indécent de montrer ses cuisses comme ça à n’importe qui et puis je n’ai jamais aimé mes genoux que j’ai toujours jugés trop gros. L’un d’eux a essayé de me faire un massage cardiaque…sans succès, pendant que d’autres tentaient de retenir prisonnier mon criminel, en attendant l’arrivée de la police. Le type devait être connu, car les témoins ont tout de suite appelé l’hôpital psychiatrique de Châlons. Ce sont les ambulanciers qui sont arrivés en premier, toutes sirènes hurlantes. Ils ont eu beaucoup de mal à passer la camisole de force à ce fou dangereux et décidément très agité.  L’un d’eux a même dit que la décision de relâcher ce patient avait été une grossière erreur, que c’était beaucoup trop tôt, qu’il était décidément trop dangereux et qu’ils allaient le garder au frais quelque temps.

«  Surtout que vous savez pertinemment qu’il est dangereux, puisque chaque fois que vous le laissez sortir, il se conduit bien quelque temps et puis il pète les plombs et s’en prend à quelqu’un ! Maintenant qu’il a tué, j’espère que vous aurez compris qu’il ne faut plus le relâcher, bon sang !» a dit une dame de Magenta, très en colère.  

Et il fallait que ça tombe sur moi.

 Pourtant on m’avait prévenu de  l’autre côté de la berge, que c’était risqué de traverser le pont avec ce  fou qui barrait le passage…mais, on pense toujours que ce genre de choses n’arrive qu’aux autres. Ha, si j’avais su… mais qu’est ce qui m’a pris !

J’étais pressée de rentrer à la maison avant mon mari, ça c’est sûr. Tout ça pour une histoire de temps…J’ai toujours pensé qu’à courir après le temps, on s’avançait toujours plus vite vers sa mort…Quelle bêtise ! Si j’avais attendu que le pont soit libre, je serai toujours vivante. A l’heure actuelle, j’essuierais les foudres de mon mari mais je serais toujours de ce monde !

Ensuite ce sont les policiers d’Epernay qui sont arrivés sur les lieux du crime, de mon crime. Ils ont constaté mon décès. Puis ils ont ouvert mon sac à main pour trouver des noms, savoir qui prévenir en cas de…Je n’avais qu’une peur c’est qu’ils ne se trompent de personnes. Il ne s’agissait pas qu’ils prennent mon amant pour mon mari ou vice et versa…vu que dans mon carnet d’adresses les deux noms y figuraient : Chéri 1 et Chéri 2. J’ai toujours aimé la discrétion et depuis que j’ai lu dans un roman policier que les carnets d’adresses perdaient toujours les coupables…je fais très attention ! Je mets le moins de noms possible ou je les inscris sous forme de codes, comme ça, au cas où mon carnet viendrait à disparaître…

 Vous savez comment ça se passe dans les petites villes ; on a vite fait de jaser. Je n’avais pas envie que ma vie soit la proie des commères, encore moins ma mort. En fouillant dans mes affaires personnelles – du reste, ils ne prenaient aucun soin ; la moindre des choses serait quand même de respecter les affaires d’autrui, surtout quand autrui est mort !  -, ils ont par mégarde laissé tomber mon tube de rouge à lèvres qui a roulé sous l’un des piliers du pont. Je me suis égosillée pour qu’ils le ramassent et le remettent à sa place -  c’est que j’y tenais à ce rouge à lèvres-là - mais ils ne m’ont pas entendue, trop occupés à décider de la bonne personne à appeler !

Par chance et sans se poser de questions, ils ont relevé le numéro de téléphone du bureau de Chéri 1, le premier sur la liste ; c’est donc mon mari qui allait recevoir la mauvaise nouvelle. Enfin mauvaise…avec lui je m’attendais à tout ; il serait peut-être soulagé finalement, vu le peu d’intérêt qu’il me manifestait depuis une paire d’années, me faisant toujours passer après sa sacro-sainte carrière. Je n’avais pas à me plaindre, c’est vrai, je ne manquais de rien, j’avais de l’argent à n’en plus savoir que faire, mais rien ne remplaçait la présence d’un être aimé auprès de soi. Nous passions notre temps à nous bagarrer tous les deux, néanmoins, je pensais que l’annonce de ma mort allait lui occasionner un choc quand même…le pauvre…

Quant à R., mon amant, auprès de qui je recherchais l’amour qui me manquait à la maison, il allait être bouleversé d’apprendre mon décès par voie de presse…Il m’aimait tant ! Il allait s’en vouloir toute sa vie de ne pas avoir pu me prêter quelques euros pour me permettre de traverser la rivière en empruntant le bac du passeur. C’est bête, je n’avais aucune liquidité sur moi ; ça arrive quand on oublie de passer à la banque. R. n’avait jamais un sou en poche. C’était toujours moi qui réglais nos petites dépenses. Question pratique, car nous les femmes avons le privilège d’avoir un sac à main. Les pièces déforment les poches de pantalon des hommes, voila pourquoi les hommes n’ont jamais de quoi acheter le pain. R. m’a plutôt rassurée en me convaincant de ne pas écouter ces sornettes quand je lui ai parlé du type bizarre qui m’empêchait de traverser le pont.

 « Mais passe donc par le pont, il ne t’arrivera rien ; ce type est un doux dingue ; il ne ferait pas de mal à une mouche ! » m’a-t-il répliqué en me faisant un clin d’œil confiant.

Rassurée oui…mais je ne l’étais qu’à moitié quand même. Aussi avant de m’apprêter à traverser le pont, comme je passais devant chez lui, je me suis arrêtée chez A., un ancien copain de lycée, pour lui demander de me prêter quelques pièces afin de suivre mon idée et de prendre néanmoins le bac de ce fichu passeur, décidément mal aimable. Je n’ai pas compris que le passeur n’ait pas voulu me faire crédit. Je n’étais pourtant pas une inconnue pour lui ; j’étais la femme de son ancien copain d’enfance qu’il n’a pourtant jamais perdu de vue. Mais on ne s’est jamais estimé tous les deux et il m’a même un jour traitée de pimbêche, alors en y réfléchissant, il ne fallait pas que j’attende de service de sa part.

 A. était de méchante humeur, - je le réveillais à l’aube, il est vrai, mais ce qui n’explique pas qu’il m’ait envoyée paître de la sorte, lui qui s’est toujours dit amoureux de moi,      -amoureux et collant entre nous soit dit ! -,  il a tout simplement refusé de m’aider en se recouchant et en me disant d’un ton sarcastique « d’aller me faire foutre, en l’occurrence chez R., mon amant, cet enfoiré ! » Je ne l’ai jamais entendu proférer des mots aussi grossiers à mon encontre et cela m’a perturbé car je croyais en son amitié. Aussi, c’est avec tristesse que je me suis engagée sur le pont de Marne. Le temps passait et si je continuais à tergiverser ainsi, mon mari serait rentré de voyage et m’attendrait à la maison pour constater que j’avais découché. Tout sauf ça !

Les policiers ont fourgué mon corps dans un sac en plastique dont ils ont fait glisser la fermeture éclair dans un couic désagréable, me coinçant une mèche de cheveux par la même occasion, et hop, je suis partie dans le fourgon, direction la morgue. Enfin quand je dis je, je veux parler de mon corps tout seul, car il fallait bien me rendre à l’évidence, mon autre je restait toujours en suspension dans les airs, au-dessus du pont. Là il ne se passait plus rien, puisque mon je-corps avait été embarqué vers la morgue – la morgue…quel drôle de nom donné à un endroit où même quelqu’un plein de morgue est vite réduit au silence ! Encore un exemple des incongruités de notre belle langue-

Je n’avais donc plus rien à faire ici.

C’est ainsi qu’en me concentrant par la pensée sur l’endroit où je désirais me rendre, je me suis aperçue que je m’y retrouvais instantanément, et apparemment toujours invisible aux yeux de tous. J’étais donc morte et bien morte, ça ne faisait aucun pli ! Si l’on m’avait dit que la mort était aussi simple…juste un passage de l’autre côté, imperceptible, sans souffrance, je ne m’en serais pas fait une telle montagne dans ma courte vie terrestre.

Je continuais donc à aller et venir, ça et là, à côtoyer les uns et les autres ; je me déplaçais à la vitesse de la pensée, légère, légère. Je voyais sans être vue : le rêve pour quelqu’un de curieux comme moi ! Le gros inconvénient dans cet état de chose, c’est que je ne pouvais plus converser avec les gens, je ne pouvais plus donner mon avis, intervenir…et ça c’était pour moi très inconfortable de ne pas être entendue ! J’aurais aimé au moins pouvoir dire à ceux qui n’auraient pas manqué de me pleurer que tout allait bien, que la mort n’était pas si monstrueuse que ça, qu’ils ne se fassent pas de souci pour moi etc…leur parler quoi, tout simplement ! C’était très frustrant comme situation, mais il allait bien falloir que je me fasse à ma nouvelle condition.

Consoler les êtres proches qui sont soudain assommés par votre disparition était l’une de mes préoccupations. Comment allaient-ils réagir par rapport à cette grande douleur ? J’appréhendais le fait de voir ceux que j’aimais, pleurer et souffrir de mon absence. Le genre de situation qui m’aurait rendue très malheureuse. Je me fis donc un devoir d’assister mes proches lors de l’annonce de ma disparition, me disant que, même s’il m’était impossible de leur parler, j’aurais sûrement trouvé une manière de leur faire un signe pour les consoler…

Mon mari a eu l’air choqué quand les gendarmes sont arrivés pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, à tel point que l’un d’eux l’a fait asseoir, lui a fait ingurgiter un verre de marc de champagne et lui a tapoté gentiment l’épaule en signe de réconfort. Les gendarmes avaient finalement préféré ne pas utiliser le téléphone, vu l’heure matinale de mon assassinat. Quand ils sont repartis quelques minutes après, mon mari ne s’est pas effondré en larmes comme je l’aurais imaginé. Il a tout simplement continué à faire ce qu’il avait entrepris de faire avant l’arrivée des gendarmes : il a continué de moudre son café comme si rien ne s’était passé. Il était sous le choc, bien évidemment, il ne réalisait pas encore le drame. Je me suis toujours dit qu’on ne pouvait pas mesurer la douleur des gens devant la mort. Il y a ceux qui hurlent leur chagrin et ceux qui dans une grande pudeur restent dignes en avalant leurs larmes. Ces derniers faisaient preuve d’une grande force et d’un certain courage. Mon mari, sans aucun doute, faisait partie de ceux-là.

Mon amant R. faisait aussi partie de ces gens-là. En apprenant la nouvelle par le journal l’Union, il s’est pris la tête entre les mains quelques minutes qui m’ont parues une éternité –je n’ai pas bien vu s’il pleurait- et il s’est tout de suite repris. Il a sauté dans sa voiture pour partir au boulot, direction l’avenue de Champagne où il travaillait comme caviste dans une grosse boîte de Champagne bien connue. Une journée comme une autre, à l’en croire…Quel courage ! Mais ne dit on pas que le monde continue à tourner même quand les gens meurent par milliers sur la terre ? C’est comme ça, ainsi va la vie. Il faut continuer à avancer malgré le désespoir. Chapeau, moi je ne sais pas comment j’aurais réagi dans la même situation !

En ville, on ne parlait plus que de ma mort. J’étais le sujet de toutes les conversations, au marché, à la poste, chez le coiffeur… Je ne pensais pas que je deviendrais un jour aussi célèbre, je ne pensais pas mériter autant d’attention, ni déclencher autant de passions. Je faisais la une des journaux. On me plaignait beaucoup. « La pauvre femme…c’est horrible…c’est pas de chance…elle avait tout pour être heureuse…c’est ignoble…on vit dans un monde de fous…un crime odieux parce qu’on est trop laxistes…un accident stupide qu’elle aurait pu éviter si elle n’avait pas été là…le destin, ça tient à rien parfois… » Bref, on ne parlait que de moi et plutôt en bien, je dois dire ; ça fait toujours plaisir à entendre. En bien…Sauf quand, par inadvertance, vous avez le temps de lire les pensées de certains - ou plus précisément de certaines- …qui disent ces paroles-là en pensant tout le contraire. Comme Madame Veuve-jamais-remariée M. qui tout en proférant « Ho oui, elle va tant nous manquer…oui elle était si jolie…ho non, elle ne méritait pas ça… »  d’un air tellement contrit…et que j’ai surpris à penser très fort :

« Allez hop, une de moins sur le marché ! Elle m’a toujours fait un peu trop d’ombre celle-là…trop jolie, trop charmante, trop, trop ! Trop sotte, oui ! Et puis son mari, plein aux as…voilà qu’il est libre comme l’air maintenant ! »

Je n’aurais jamais imaginé de telles pensées venant d’une personne qui m’avait toujours semblé si affable…Comme quoi, on ne peut jamais se fier à personne. C’est un peu décevant de découvrir ça, et en même temps, c’est instructif.

C’est pourquoi, sous aucun prétexte, je n’aurais raté mon enterrement !

J’ai été obligée de leur demander une rallonge de temps, aux gens de là-haut ; ce qu’ils m’ont accordé bien volontiers. Ils n’ont pas été surpris de ma requête car il paraît que tous les morts, avant de quitter ce monde, demandent cette faveur qu’on leur octroie gentiment et c’est bien normal après tout.

Un monde…mais un monde ! J’ai cru que l’église Notre-Dame d’Epernay  ne pourrait jamais contenir autant de gens.

Il faisait un soleil radieux. J’aurais préféré que le temps soit gris, ou qu’il pleuve…Le temps devrait toujours être à la pluie, les jours d’enterrement ; ce serait plus décent pour une telle circonstance. Quand j’ai présenté cette requête aux gens de là-haut, ils m’ont répondu en rigolant que vu le nombre de morts aux quatre coins du monde, si tel était le cas, il pleuvrait tous les jours, et qu’il n’était pas question de changer le calendrier de la météo, déjà  trop difficile à tenir. Ils n’avaient pas tout à fait tort, déjà qu’ils se trompent toujours sur le temps qu’il va faire.

J’ai eu droit à une belle messe, rien à dire. Vraiment belle ! Tout le monde s’y attendait, vu la situation honorable de mon mari.

Mon mari avait respecté toutes mes volontés qu’il s’était rappelées quand je lui disais de mon vivant, en plaisantant «  Si je meurs, je ne veux que des fleurs blanches sur un cercueil en bois blond, je veux un Ave Maria chanté, je veux des poèmes d’espoir, une chorale comme ci, comme ça… » Je riais en imaginant que ce serait le plus tard possible, comme quoi…ça a dû me porter malheur !

Tout y était ! L’Ave Maria a été chanté par un ténor hors-pair. Même moi, j’en ai eu des frissons partout, c’est vous dire…Le seul petit reproche que je ferais à mon mari, c’est de ne pas avoir choisi une plus jolie photo de moi à poser sur mon cercueil. J’aurais préféré qu’il choisisse celle où je suis plus en valeur et où je ris. Sur celle-ci, j’avais l’air trop sérieux et dix ans de trop.

Tout le gratin de la ville était là. Vu la situation respectable de mon mari, tout le monde se devait d’être là, -  le dernier évènement dont on parle, vous pensez !  –, pour éviter les «  Mais comment, vous n’étiez pas aux obsèques de Mme X ?! »  Et les regards outragés qui s’en seraient suivi. Non, non, tout s’est bien passé dans l’ensemble.

J’ai juste été contrariée d’apercevoir le Docteur F. entrer sur la pointe des pieds, déposer une enveloppe après avoir signé le registre, comme s’il avait assisté à ma messe et…repartir aussitôt. Il est très occupé mais quand même…Je n’ai pas apprécié non plus, tous ces gens qui sont arrivés en retard, en particulier les C., les J., les S (et j’en passe !) qui sont arrivés pratiquement à la fin et qui se sont placés dans les premiers rangs, en espérant échapper à la queue, pour bénir plus vite ma dépouille. Et puis Monsieur le Maire qui n’a pas arrêté de regarder sa montre, et Mme T. qui n’a pas cessé de pleurer dans son mouchoir en se mouchant très fort alors qu’elle a toujours raconté pis que pendre sur moi. J’aurais aimé, à l’inverse que mon Chéri 2 pleure un peu plus…mais le pauvre homme était encore sous le choc, ça se voyait. Il ne réalisait pas vraiment encore ce que mon absence allait laisser comme vide. Pour mon mari, objet de tous les regards, c’était logique qu’il reste digne ; on n’en attendait pas moins…Et cette Mme Y., toujours à se retourner pour voir si l’église se remplissait et qui zieutait chaque place pour contrôler qui était là ! Et les deux commères du banc du fond qui n’ont pas cessé de jacasser. J’arrête là mon inventaire, on ne refera pas le genre humain et puis de là où je suis, tout ça m’est devenu tellement risible et dénué d’importance ! Le monde est tellement mesquin, que je n’ai qu’une hâte finalement, c’est de rejoindre mes nouveaux pénates et découvrir ce qui m’attend maintenant. Alors le reste, le cimetière, la crémation, tout ça, j’étais pressée que ça se termine. J’ai pas vraiment tout suivi. Je suis allée jusqu’au bout mais comme s’il ne s’agissait plus de moi. J’étais déjà ailleurs.

Avant de partir pour toujours, j’ai voulu une dernière fois revoir ma maison.

 Je m’y suis donc rendue quelques heures après être passée par le cimetière, après le calme revenu. Quelle ne fut pas ma surprise de voir, chez moi, installés autour d’une bière, mon mari, mon amant, mon ex-petit-copain de lycée et le passeur qui conversaient amicalement sur un ton badin. Les vieux copains d’enfance que je croyais presque tous perdus de vue.

J’ai trouvé sympa l’idée de se réunir autour de mon mari et de partager sa peine. Bien sûr, aucun d’eux n’a eu le cœur de le laisser tout seul chez lui avec son chagrin et sa solitude un soir pareil…Chéri 2 avait aussi besoin de réconfort, le pauvre.

Je me suis rapprochée d’eux, en m’installant sur l’accoudoir du canapé, contente à l’idée de prendre part à la conversation après une journée si éprouvante. Chacun parlait de projets : voyages, nouvelle voiture, nouvelle maison, nouveau départ…

«  C’est chouette d’avoir autant de beaux projets, les mecs, mais qu’est-ce qui vous arrive ? Vous avez gagné au loto ? » Me suis-je écrié sur un ton enjoué.

Naturellement, ma question est restée sans réponse, puisque je n’existais plus pour eux et qu’ils ne pouvaient plus m’entendre. Difficile de me faire à cette idée-là décidément !

Je me suis donc contentée d’écouter, de plus en plus étonnée, gagnée par la liesse générale.

Et puis mon mari a dit soudain :

« L’important, c’est que vous accédiez à tous vos désirs et que vous soyez contents ! Je crois que j’ai mis le paquet pour que vous puissiez le faire !

    Ha ça, c’est le moins qu’on puisse dire ! On ne s’attendait pas à une si grosse enveloppe !! S’esclaffa mon Chéri 2. Je vais pouvoir m’installer pour de bon avec Françoise !

Tous acquiescèrent de la tête en mêlant leurs rires.

    Ho, mais je vous dois bien ça, c’était dans le contrat ! Vous m’avez débarrassé de notre gentille emmerdeuse et ça, ça n’a pas de prix ! Depuis nos années d’enfance, on s’est toujours promis de se serrer les coudes quoiqu’il arrive et même si nous prenions des chemins différents, vous vous rappelez quand on a échangé nos sangs à sept ou huit ans ?

Rires gras.

Puis Chéri 1 a rajouté l’air grave, en s’enfonçant dans le canapé :

    Louise, elle était gentillette, on l’aimait tous bien mais elle était décidément trop niaise ; elle ne comprenait rien à rien et n’en faisait qu’à sa tête. Je ne pouvais pas continuer à me trimballer une bonne femme qui salissait ma réputation en racontant n’importe quoi, et compromettait ma carrière politique à venir ! Aucune culture, pas assez de classe pour devenir une femme de député ! Si encore elle avait su rester à sa place, mais non, il fallait qu’elle me fasse des scènes et qu’elle aille raconter notre intimité à qui voulait l’entendre ! J’en étais arrivé à la détester, à la pousser dans d’autres bras pour l’avoir le moins souvent possible dans les pattes. - Là, il a fait un clin d’œil à Chéri N°2 qui a souri, même pas gêné - On ne pouvait pas continuer comme ça plus longtemps. Un divorce ? Pas envisageable, ça aurait entaché ma notoriété ! De votre côté, et bien ça va vous faire des vacances, et ça va vous permettre de mettre un peu de beurre dans les épinards aussi, sans risque de surcroît, puisque Jean-Jean va tout prendre sur le dos…c’est pas sa faute à lui, c’est un grand malade du ciboulot ! Il n’ira même pas en prison.

Et puis quelqu’un a levé son verre.

    A la santé de Jean-Jean, notre fou bien-aimé !

Re-rires gras.

    Ouf, j’ai eu bien du mal à le faire rester sur le pont de Marne, le barjot ! Il courait dans tous les sens et de Magenta, il voulait absolument regagner Epernay pour je ne sais quelle raison ! Je lui ai dit qu’il fallait absolument qu’il recherche quelque chose qu’il venait de perdre quelque part sur le pont et que tant qu’il ne l’avait pas retrouvé, il ne pouvait pas se rendre à Epernay car on allait l’enfermer de nouveau à Châlons. C’est là que ses hallucinations l’ont repris comme à chaque fois qu’il est contrarié ! Moi je me suis vite carapaté ! A cette heure, il n’y avait pas âme qui vive sur le pont…juste Louise qu’on a tous bien poussé à traverser ! Moi, en ce qui me concerne, je te serai toujours reconnaissant de m’avoir sorti de ma situation de clochard en me permettant de m’acheter ma première barge pour faire traverser les gens sur la Marne. Je vais maintenant pouvoir investir dans un vrai et gros bateau !

Là, c’était le passeur qui venait de s’exprimer. Il était tellement content de lui, qu’en riant, il s’est à moitié étranglé et il a régurgité la moitié de sa bière sur le tapis persan du salon.

Moi, j’en avais assez entendu. Le ciel me tombait sur la tête. C’est fou comme l’argent peut vraiment tout acheter.

Inutile de vous dire, que je n’ai pas fait long feu. J’ai préféré rejoindre dare-dare ma nouvelle vie, là-haut, tout là-haut.

Je leur laissais le soin de nettoyer mon beau tapis pensant qu’ils trouveraient bien tout seuls la bombe de Pschitt moquette rangée dans le placard sous l’évier.

 

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 Une silhouette évanescente, une ombre sous la lune blanche, juste un reflet dans un miroir où se reflètent mes mots…Mes mots qui résonnent en écho à d’autres mots, les vôtres, et ceux de mes auteurs favoris.
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  Bienvenue dans ma caverne peuplée de livres ! A la nuit tombée, lorsque je dors, les livres s’échappent des rayonnages et partent en voyage. Les mots volent hors des pages et dansent une carole à en perdre voyelles et consonnes. Les auteurs et leurs héros devisent de tout et de rien, en refaisant le monde, confortablement installés dans les fauteuils du salon. Parfois leurs éclats de rire ou de voix troublent mon sommeil. Aux premiers rayons du soleil, à l’heure des rêves enfuis, mes livres regagnent sagement leur place, alignés sur l’étagère. Seuls quelques mots errent encore, surpris par la clarté du jour…

Bienvenue !


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"Ecrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire. C’est hurler sans bruit." (M. Duras)

 

"Ecrire, c’est une façon de parler sans être interrompu." (Jules Renard)

"Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle." (Proverbe africain)


 "Ce sont les échecs bien supportés qui donnent le droit de réussir." (Jean Mermoz)

"Comment se tue en nous l’amour ? Trois degrés : souffrance, indignation, puis indifférence. La souffrance use l’amour, l’indignation le brise, et on arrive à l’indifférence finale." (Sainte-Beuve)
 

 "Créer c’est vivre deux fois." (Albert Camus)

 "On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années, on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal.

Les années rident la peau ; renoncer à son idéal ride l’âme." (Douglas MacArthur)


"La vie ressemble à un conte ; ce qui importe ce n’est pas sa longueur, mais sa valeur." (Sénèque)


"La vie est finie quand tu ne surprends plus personne." (Coluche)

"L’indifférence est une paralysie de l’âme." (Anton Tchekhov)








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